L’édition comme expérience

Apprentissage, coopération et transmission par les projets éditoriaux journées d’étude 12 & 13 Mars 2018 Villa Arson

S’il est un principe commun à l’enseignement en école supérieure d’art et à un ensemble de pédagogies dites “alternatives”, issues de l’Éducation nouvelle, c’est celui d’expérience. Et quand il s’agit d’aborder l’art et la pédagogie au titre de l’expérience, John Dewey n’est pas loin. Tentant d’unir théorie et pratique au sein de sa pédagogie avec pour credo l’iconique Learning by doing, et proposant par ailleurs une approche de L’Art comme expérience, il fait figure de mentor à la fois pour les pédagogues et les artistes.

Lorsque les artistes Fluxus font du livre le lieu de la partition ou de l’enregis­trement de leurs actions, la visée est de les soumettre à l’interprétation c’est-à-dire de les partager et qu’elles puissent être rejouées. L’adresse de l’artiste au lecteur-acteur est ainsi incarnée et s’avère familière du rôle de transmission conféré au livre-manuel dans les dispositifs éducatifs.

Outre avoir tous les deux enseigné à CalArts au cours des années 1970, Judy Chicago et Allan Kaprow sont à l’origine de dispositifs pédagogiques expéri­mentaux et d’émancipation. Dans la Californie de la fin des années 1960, Allan Kaprow propose le happening en tant que méthode pédagogique pour le programme Other Ways. Les notions de jeu et de plaisir sont à la faveur d’une expérience collaborative. Au tout début des années 1970, à Los Angeles, le Feminist Art Program de Judy Chicago et Miriam Schapiro a recourt au dispositif du consciousness raising qui impulse des actions performatives au sein du groupe.

Permettons-nous d’explorer la proximité de l’engagement de ces artistes avec les réflexions de pédagogues considérant l’enfant comme sujet et moteur de son apprentissage, celles de Célestin Freinet (1896-1966), Maria Montessori (1870-1952) et Rudolf Steiner (1861-1925) pour n’évoquer qu’eux. Ces auteurs énoncent les principes d’une “pédagogie active” au sein de laquelle l’élève décide du chemin qu’il va parcourir pour apprendre, guidé par ses centres d’intérêt. Lorsque l’on parle de la pédagogie Freinet, on convoque souvent le “journal de l’école”. Si ce n’est qu’un exemple de la “mise au travail” des élèves de l’école de Vence dès l’entre-deux-guerres, c’est précisément un espace de coopération entre élèves et enseignants sur lequel nous attarder. Les étapes de conception, de production et de diffusion d’une édition supposent une organisation collective, des productions individuelles et une concertation fine.

Dans le contexte de l’enseignement supérieur en art, on désigne les activités de publication en tant qu’ édition ou plus spécifiquement en tant que design éditorial. L’édition s’entend alors comme médium artistique, processus de travail et de documen­tation mais aussi plus globalement comme secteur professionnel. Elle est traversée par les artistes, les élèves mais aussi par tout lecteur. À ce titre, l’édition sera le domaine d’expériences par lequel regarder comment l’on apprend, l’on coopère, l’on transmet et met en partage des savoirs et des propositions artistiques.

La publication des journées

Retrouvez les contenu des conférences, notes et images associées sous les liens suivants :

L'imprimerie chez Freinet, Baptiste Jacomino

«Enseigner et apprendre : arts vivants», Jérôme Dupeyrat

Une culture visuelle révolutionnaire, Géraldine Gourbe

La couverture & colophon

Programme

Lundi 12 Mars

18h → 19h + échange avec le public amphi 1
Baptiste Jacomino

L’imprimerie chez Freinet : la technique contre la scolastique.

Depuis que l’actuel ministre de l’Education nationale, M. Blanquer, a dit du bien de la pédagogie Montessori, il n’est pas rare que certains de ses adversaires de gauche opposent à ce modèle officiel celui de la pédagogie Freinet, renouant ainsi avec un différend ancien entre ces deux grandes figures de l’Éducation nouvelle. On rappelle alors, à juste titre, que, contrairement à Montessori, Freinet n’a jamais utilisé de matériel pédagogique breveté, mais des techniques facilement accessibles à tous. Parmi ces «techniques Freinet», l’imprimerie scolaire joue un rôle crucial à la fois dans l’itinéraire de Célestin Freinet et dans le dispositif pédagogique qu’il défend. Cette réapparition du nom de Freinet dans les controverses françaises sur l’éducation est une occasion de se ressaisir de problèmes contenus dans l’écart entre Freinet et Montessori, non seulement pour en faire l’histoire, mais aussi parce que cette histoire est susceptible de réveiller aujourd’hui des questions éducatives souvent négligées. Il s’agira d’analyser le recours à l’imprimerie scolaire dans la pédagogie Freinet, en la confrontant à la conception du matériel pédagogique chez Montessori. Les différences qui apparaissent alors se situent dans trois champs différents : la politique, la psychologie et la philosophie.

Mardi 13 Mars

11h → 12h + échange avec le public amphi 1
Jérôme Dupeyrat

«Teaching and Learning as Performing Arts» / «Enseigner et apprendre : arts vivants»*

Les arts et la pédagogie en partage de multiples questionnements, soit que les artistes et les pédagogues aient des cadres de pensée en commun, soit qu’il y ait entre eux de réels échanges voire influences. Concernant le XXe siècle en particulier, il est frappant de constater certains échos entre, d’une part, les avant-gardes historiques puis des phénomènes tels que Fluxus et, d’autre part, le courant pédagogique de l’Éducation nouvelle. Il s’agira d’évoquer ce terrain d’échanges, et plus spécifiquement quelques liens entre Fluxus et la pédagogie Freinet — où il sera question des artistes, des pédagogues et des élèves comme producteurs, ainsi que d’une reconsidération de ce que sont les livres et les publications, leur rôle et leur fonction dans la transmission du savoir et des connaissances.

*titre emprunté à l’ouvrage de Robert Filliou, 1970

14h → 15h + échange avec le public amphi 1
Géraldine Gourbe

Une culture visuelle révolutionnaire : Allan Kaprow et Judy Chicago dans la Californie des années 1960 et 1970.

Dans la Californie du sud des années 1960 et 1970, le programme éducatif et artistique Other Ways d’Allan Kaprow et d’Herbert Khol ainsi que la coopérative artistique du Women’s Building, initiée par Judy Chicago, constituent des expériences fondatrices d’une culture visuelle révolutionnaire. Tous deux relèvent d’un courant alternatif, celui de la pédagogie radicale, impulsé par deux figures importantes : Paulo Freire et Ivan Illich. En parallèle de la pédagogie institutionnelle qui s’affirme en France, la pédagogie radicale se présente comme autogérée et contre-culturelle. Les principes fondateurs de la Pédagogie des opprimés (Paulo Freire) et de Une société sans école (Ivan Illich) inséminent dans les pratiques performatives et éditoriales des artistes de la Côte ouest.

15h30 + échange avec le public amphi 1

table ronde
Projets éditoriaux : récits d'épériences

  • L’équipe du Pierre-Jo à la NY Art Book Fair — Villa Arson Nice
  • Benjamin Thorel, Publishing class — Dutch Art Institute
  • Jean-Marie Courant, Initiales — École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon
  • Les outils de Open Source Publishing — Gijs de Heij et Ludi Loiseau

17h30

Pause, visite des expositions Nikolaus Gansterer et Gianfranco Baruchello.

18h30 bibliothèque
Jérôme Dupeyrat

présente la plateforme éditoriale <o>future<o>

à l’issue de la rencontre
OSP + participants

Print party : assemblage en self-service de la publication des journées

Au cours de ces deux journées • toutes les publications en consultation (bibliothèque) • publication des journées réalisée en direct avec OSP (studio Édition)

Informations pratiques


Villa
▊▊▊ Arson
20 av. Stephen Liégeard
06 100 ▊▊▊▊▊▊ Nice


Entrée libre
Réservation recommandée → reservation@villa-arson.org

Accès

— Tramway : Ligne 1, direction Henri Sappia, arrêt Le Ray puis 10 mn de marche, suivre signalisation via les rues Paul Mallarède et Joseph d’Arbaud.


⊶ Bus : 7 et 4, arrêt Deux avenues puis suivre signalisation av. Stéphen Liégeard – Villa Arson.


— Depuis l’autoroute A8 : sortie 54, Nice Nord, direction centre ville, puis suivre signalisation Villa Arson

— Depuis la Promenade des Anglais : Bd Gambetta, puis Bd de Cessole, puis suivre signalisation Villa Arson


— Depuis l’aéroport T1 ou T2 : bus 98 / changement arrêt Cathédrale – Vieille Ville ou bus 99 / changement Nice Gare SNCF / puis tram Direction Henri Sappia, arrêt Le Ray ou Comte de Falicon.


Les espaces extérieurs, jardins, terrasses et les salles d’exposition du centre d’art sont en bonne partie accessibles aux PMR.


La Villa Arson applique les mesures préventives de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate.


La Villa Arson est un établissement public du ministère de la Culture.

Elle reçoit le soutien de la Région Provence Alpes-Côte d’Azur, du Conseil départemental des Alpes-Maritimes et de la Ville de Nice.

Razel Bec et la Francis Bacon MB Art Foundation - Monaco lui apportent un soutien.

Partenaires : média Art Press, ParisArt et La Strada.


La Villa Arson est membre de UCA - Université Côte d'Azur, du réseau L'Ecole(s) du Sud et fait partie du réseau BOTOX[S]

Webprint programme dessiné par OSP, Gijs de Heij et Ludi Loiseau. Typographie : SpaceText.

Jean-Marie Courant

est graphiste, il vit et travaille à Paris. Il a longtemps signé ses réalisations d’un nom emprunté au vocabulaire de la typographie : Regular. Désormais il travaille en collaboration avec Marie Proyart, sous le nom de Catalogue Général — qui est également le nom de la plate-forme éditoriale qu’ils ont fondée en 2016. Ils consacrent l’essentiel de leur activité à des projets éditoriaux et d’identité visuelle. C’est la lecture, sous toutes ses formes, qui est au centre de la pratique de Catalogue Général. Marie Proyart et Jean-Marie Courant aiment prendre soin des lecteurs et de ce qui s’adresse à eux. Jean-Marie Courant est coordinateur du département design graphique du master design graphique de l’Ensba Lyon où il a assuré la coordination graphique du premier numéro de la revue Initiales. Entre 2009 et 2011, il est intervenu régulièrement à l’Écal où il donnait des cours d’histoire moderne et contemporaine du design graphique. De 2010 à 2012, au post diplôme Design et Recherche de l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne, il a coordonné la conception graphique de la revue Azimuts, dont il était également l’un des rédacteurs.

Jérôme Dupeyrat

est historien de l’art. Ses activités (souvent collectives : Agence du doute, future , La Bibliothèque grise) incluent la recherche, la critique, l’édition, le commissariat d’exposition et l’enseignement. Ses recherches portent en particulier sur les publications d’artistes, et plus largement sur les liens entre art, édition, image(s) et média(s). Il vient notamment de publier l’ouvrage Entretiens : perspectives contemporaines sur les publications d’artistes, aux éditions Incertain Sens.

Avec l’artiste Laurent Sfar, il a initié en 2015 « La Bibliothèque grise », un ensemble de ressources à l’origine d’événements et de productions qui visent à explorer les pratiques, les espaces, les objets et les formes à travers lesquels sont transmis connaissances et savoirs. « La Bibliothèque grise » cherche notamment à penser la nature esthétique des processus de transmission et leur rôle dans la construction des individus. Le second chapitre de cette collaboration est présenté au BBB centre d’art, à Toulouse, du 24 janvier au 17 mars 2018.

Géraldine Gourbe

est chercheuse en esthétique, spécialisée dans la question de la performance, des collectifs et du féminisme. Depuis 2007, elle a publié sur la scène artistique de Los Angeles, les pédagogies radicales, les communautés artistiques. Elle prépare une relecture du minimalisme californien notamment grâce à l’œuvre des années 60 du sculpteur Judy Chicago. L’exposition Californie, les années cool sera présentée à la Villa Arson pendant l’été 2018.

Baptiste Jacomino

est docteur en sciences de l’éducation. Collaborateur de la revue Le Philosophoire. Directeur de l’ensemble scolaire Sainte Ursule – Louise de Bettignies (Paris). Auteur notamment de Comprendre Freinet (Éditions Max Milo) et de Alain et Freinet  : une école contre l’autre? (Editions L’Harmattan).

Open Source Publishing

est un groupe de travail qui produit des objets de design graphique uniquement avec des logiciels libres et Open Source. Affiliés à l’association Constant, la caravane OSP est basée à Bruxelles. Elle se compose aujourd’hui d’une dizaine de personnes issues de champs complémentaires : typographie, design graphique, cartographie, programmation etc. Par la pratique collaborative, ils travaillent autour de work­shops et de projets commissionnés ou auto-initiés, à la recherche d’une redéfinition de leur champ d’action, creusant vers un rapport plus intime et expérimental avec leurs outils.

Benjamin Thorel

est critique d’art, éditeur, commissaire d’expositions, et professeur à l’École supérieure des Beaux-Arts de Bordeaux (EBABX). En 2013 et 2014 il a été tuteur invité à la Publishing Class du Dutch Art Institute, à Arnhem. Il est l’un des responsables de After 8 Books (www.after8­books.com), librairie parisienne spécialisée en art contemporain, théorie et design graphique, au sein de laquelle il prépare également plusieurs publications; auparavant, il a fait partie de l’équipe de castillo/corrales, espace indépendant créé en 2007 et fermé fin 2015, au sein duquel ont été développées la maison d’édition Paraguay Press et la librairie Section 7 Books. Benjamin Thorel a soutenu en 2012 un mémoire de Master sur les pratiques éditoriales des artistes contemporains; cette année, il fait partie du comité de pilotage de l’Université d’été de la Bibliothèque Kandinsky, qui sera consacrée aux publications d’artistes.